Quelques propos sans gravité par Yves Philippe de Francqueville

Quelques propos sans gravité par Yves Philippe de Francqueville

A la recherche du surhomme ?

 

 

Notes 22, 81, 411, 415, X49, X162, X194 & X263 extraites de la première liasse, des réflexions de Yves Philippe de FRANCQUEVILLE, réunies, complétées et annotées.

Si ce nom d’auteur est rappelé souvent dans cet article, c’est juste pour permettre aux moteurs de recherche de l’Internet de se rappeler à son bon souvenir…

 

 

À la recherche du surhomme ?

 

Non, cela semble une vaine quête…

Sommes-nous peut-être finalement juste à la poursuite de l’homme ?

 

La quête de l’homme et de la femme !

 

 

Diogène de SINOPE — le Cynique — continue encore et toujours à se promener nu dans les rues d’Athènes, en plein jour, une lanterne à la main… à la recherche d’un homme… à la recherche de l’homme ?

 


 

 

Affiche réalisée par Marion — grande Demoiselle — pour présenter la conférence débat :

un autre regard sur la folie, proposée par Yves Philippe de FRANCQUEVILLE,

à la Maison des Étudiants de l’Université Paul VALÉRY, de Montpellier, lors du festival

« C’est Comme Ça ».

 

 

 

Est-ce donc bien un autre regard sur la folie que de considérer DIOGÈNE comme un sage ?

 

L’humain — être soi-disant évolué dans la longue suite générationnelle des espèces animales — n’est pas « au dessus », « mieux ou meilleur » ou encore « supérieur » mais souvent fort fragile … plus  vulnérable.

Il est davantage à côté.

La pierre taillée se casse plus facilement que le caillou brut.

La porcelaine est bien délicate, face à l’écuelle… comme le verre en cristal, comparé à la timbale en plastique. La quête de la beauté engendre une sensibilité affective comme la connaissance peut finalement affaiblir face à l’idiot sûr de lui. Ouvrir des portes pour laisser passer la lumière nous oblige à concevoir le fait qu’il n’y a plus d’espaces protégés.

Seul, le mouvement — la mobilité — nous assure alors parfois une certaine sécurité.

Tout évolue, se transforme ou s’oublie… Savoir que l’on ne sait rien devient très vite une pensée presque orgueilleuse de SOCRATE…

Penser, croire en l’idée de surhomme, achève la race de l’homme. Mais l’homme existe-t-il déjà ? Dans les réflexions anthroposophiques de Rudolf STEINER l’on comprend très vite que nous sommes encore fort loin d’un monde où les êtres éveillés seraient en sécurité. Pourquoi se croit-il obligé cependant de chercher un dieu absent pour expliquer l’homme en construction, en devenir ? Il y a de très bonnes questions sur la nature de l’homme et de la femme chez Rudolf STEINER, mais ses réponses ne sont pas libérées des problématiques judéo-chrétiennes ou pangermanistes. L’anthroposophie — littéralement « la sagesse de l’homme » — devrait davantage se préoccuper de sa raison d’être : l’homme… Les croyances en quelques dieux et autres diables sont des sources dramatiques de menteries, dirait Pierre GRIPARI, et entraînent divisions, conflits… massacres !

Penser que l’humain peut évoluer nous offre de sages perspectives quant au plaisir de vivre avec des êtres qui nous ressemblent, mais cela ne sera peut-être jamais l’avis des fanatiques de l’Ordre et de la Morale. Alfred Elton van VOGT, donne donc du sens aux Marchands d’Armes pour que ne soit pas oubliée la triste réalité des Slans… dont les soushommes seront — hélas — pendant encore bien longtemps, les prédateurs…

 

Surhomme, nouveau dieu sur cette Terre selon Friedrich NIETZSCHE ?

Nous voici dans une même barque d’illusions… Nous voici menés aussi en bateau avec ce philosophe nihiliste comme capitaine : pourquoi donc être obsédé par l’idée d’un nouveau dieu à venir après avoir affirmé que son dieu est mort ?

La folie guette et rattrape souvent celles et ceux qui s’obstinent à trouver des réponses plutôt que de considérer la question !

Friedrich NIETZSCHE avait très certainement en lui les prémices d’une nature évoluée, mais en définitive il reste dans la lignée de tous les philosophes à réponses achevées… terminales. Il est lui aussi finalement du clan des élèves de PANGLOSS, l’éternel professeur expert de métaphysico-théologo-cosmolo-nigologie

Sans pouvoir comprendre sa solitude et son affectivité mal assumée ainsi que l’absence de sens à l’histoire de la vie des hommes, il s’attaque à un maître d’illusion : un dieu, son dieu… le dieu… Dieu ?

Peut-être une vengeance verbale vis-à-vis du géniteur qui provoqua sa naissance ?

Aller à la rencontre de ses semblables ?

Hélas, la plupart des humains en devenir oublient le courage de DIOGÈNE et finalement préfèrent revenir dans le troupeau à la suite éternelle d’un dominus, autre père, nouveau re-père pour être apaisé face à l’idée que le père est absent, défaillant… disparu !

 

Où te caches-tu, Ô Grand Architecte de l’Univers ?

Quand reviendra donc notre roi bien aimé ?

Les plus orgueilleux savent poser cette question pour profiter d’une absence et s’offrir des places de Maîtres ou de Grands Maîtres en attendant le retour improbable d’un être de légende… C’est similaire en politique, mais régner reste un crime comme le clamera toujours Louis Antoine de SAINT-JUST. Rappelons-nous que le Prince Jean, petit Roi en l’absence du grand Richard Cœur de Lion n’est pas plus tyran sanguinaire que son frère de qui finalement il obtiendra la succession… Un vrai Robin des Bois ne prêtera allégeance à aucun des deux… C’est un pirate attentif à ce que les règles du jeu de la vie soient équitables au sein du peuple, sans dieu ni maître. Robin HOOD est un homme libre… Un homme. Les écrivailleurs et autres scénaristes politiques en ont fait un agent gouvernemental.

Sans dieux, nous serions perdus… Voilà une théorie fumeuse reprise notamment par un petit moinillon, accroché aux bottines à talonnettes d’un président… dans l’espoir de devenir Pape !

Pour l’histoire du dieu complètement perdu, allons donc lire ou relire l’étonnant Dialogue d’un prêtre et d’un moribond

joli texte écrit par un Donatien Alphonse François de SADE, en grande forme philosophique. Ah, ce divin Marquis… Un texte riche par son actualité et sa lumière offerte, malgré les deux bons siècles d’obscurantisme qui nous séparent de cet écrit… Merci à celles et ceux qui utilisent de leur temps pour nous permettre de faire partager des œuvres (fortement autocensurées sur l’Internet), avec semble-t-il un travail très sérieux de fidélité aux idées de l'auteur, bien que la mise en langue contemporaine fut préféré au français du XVIIIème siècle.

Voici un court extrait offert à la lecture en ligne pour celles et ceux qui n’auraient pas encore le temps d’en parcourir l’intégralité :

(…)

« Le prêtre — Vous ne croyez donc point en Dieu ?





Le moribond — Non. Et cela pour une raison bien simple, c'est qu'il est parfaitement impossible de croire ce qu'on ne comprend pas. Entre la compréhension et la foi, il doit exister des rapports immédiats; la compréhension n'agit point, la foi est morte, et ceux qui, dans tel cas prétendraient en avoir, en imposent. Je te défie toi-même de croire au dieu que tu me prêches — parce que tu ne saurais me le démontrer, parce qu'il n'est pas en toi de me le définir, que par conséquent tu ne le comprends pas — que dès que tu ne le comprends pas, tu ne peux plus m'en fournir aucun argument raisonnable et qu'en un mot tout ce qui est au-dessus des bornes de l'esprit humain, est ou chimère ou inutilité ; que ton dieu ne pouvant être l'une ou l'autre de ces choses, dans le premier cas je serais un fou d'y croire, un imbécile dans le second.

(…)

Le prêtre — Sur ce pied-là, il me paraît peu nécessaire de vous parler de religion.

 

Le moribond — Pourquoi pas, rien ne m'amuse comme la preuve de l'excès où les hommes ont pu porter sur ce point-là le fanatisme et l'imbécillité ; ce sont des espèces d'écarts si prodigieux, que le tableau selon moi, quoique horrible, en est toujours intéressant. Réponds avec franchise et surtout bannis l'égoïsme. Si j'étais assez faible que de me laisser surprendre à tes ridicules systèmes sur l'existence fabuleuse de l'être qui me rend la religion nécessaire, sous quelle forme me conseillerais-tu de lui offrir un culte ? Voudrais-tu que j'adoptasse les rêveries de Confucius, plutôt que les absurdités de Brahma, adorerais-je le grand serpent des nègres, l'astre des Péruviens ou le dieu des armées de Moïse, à laquelle des sectes de Mahomet voudrais-tu que je me rendisse, ou quelle hérésie de chrétiens serait selon toi préférable ? Prends garde à ta réponse ».

(…)

Nous n’avons pas encore pu affirmer l’existence du moindre dieu et nous lui cherchons sans cesse quelques successeurs ou collègues… Ce qui reste intéressant c’est bien que tous les dieux dont les grands prêtres ou leurs secrétaires, et petites mains en rapportent l’histoire — depuis que notre mémoire nous assure un passé — ont toujours pour descendance quelques humains. Des civilisations les plus lointaines relatées avec talent et sérieux par Georges DUMÉZIL, aux plus récentes… de celles issues des mythologies indo-européennes, africaines ou américaines ; nous trouvons systématiquement la jonction entre le « père dieu » ou la « mère déesse » et le « fils homme ».

Il était d’ailleurs courant dans les généalogies nobles Égyptiennes, grecques et romaines, celtes ou scandinaves, chinoises ou mongoles… de trouver parmi les ancêtres les plus lointains quelques dieux en tête… Les jeunes dynasties européennes, dont celles des rois de France n’ont pas dérogé à cette règle. Une légende donne parfois le sourire, mais le plus souvent, elle permet surtout de maintenir un peuple par et dans la crainte… Être fils ou petit-fils d’un dieu, cela impose le respect !

Le général Douglas Mac ARTHUR — grand maître de la bombe — osa dénoncer la généalogie de l’Empereur du Japon en imposant à HIRO-HITO d’affirmer devant son peuple qu’il n’était pas le dieu vivant, descendant de la déesse AMATERASU. Cet ex-dieu devait donc dénoncer sa simple humanité pour avoir le droit (tout de même) de conserver son trône et poursuivre son règne sur un peuple soumis…

Roger LELOUP nous met en garde par la voix de Yoko TSUNO, dans la Spirale du Temps : les hommes se donnent des dieux pour se rassurer puis leur inventent des légendes pour se faire peur.

Dans la Genèse aussi, en 3.8, Yahvé  marche dans le jardin pendant que ses enfants, l'homme et la femme, se cachent… inquiets de la punition pour avoir désobéi au père : quelle faute grave en effet que celle de désirer apprendre, s’éveiller à la connaissance…

Oui, avant d’ouvrir les yeux sur la nature du père et de la mère, l'enfant ne les considère-t-il pas — la plupart du temps — comme des dieux ?

Et lorsqu’ils les ont quittés, ces pères et ces mères, l’absence face à l’angoisse du néant les retransforme parfois encore en nouvelles divinités qu’il est si facile d’implorer ou de maudire…

Des dieux qui donnent, des dieux qui prennent et qui sanctionnent…  Miséricordieux ! Parfois de bons dieux, ou de méchants dieux… pour citer l’ouvrage pédagogique de Pierre GRIPARI : l’histoire du méchant dieu !

Charles Augustin SAINTE-BEUVE ose cette remarque savoureuse et tragique qui en dit long sur tous les tyrans, qu’ils soient dieux, papes, princes, juges ou critiques littéraires : « on peut être cruel en pardonnant et miséricordieux en punissant ». C’est presque du saint Augustin d’HIPPONE !

Le soushomme poursuit l’histoire… comme de branche en branche, l’arbre s’étend.

Le soushomme continue à remettre entre les mains du plus fort de l'instant les clefs de sa vie. Il accepte sans condition d’être conduit à l’abattoir… pour un bout de terre, « l’honneur » d’un pays ou quelques certitudes religieuses.

Cela se passe parfois de manière insidieuse, surtout dans la politique, où des sauveurs se présentent toujours pour nous guider vers le bonheur, après nous avoir enchaînés…

Être d’heureux esclaves à bâtir des sousvies…

Mais pourquoi vivre puisque nous allons mourir ?

Pourquoi tant d’efforts vains ?

 

Pourquoi ne pas se contenter de suivre le troupeau, puisque que la plupart du temps un berger est là pour s’occuper de nous, moyennant quelques soumissions, quelques abandons de liberté ?

À quoi bon ?

 




Vivre jour après jour…

 

Vivre jour après jour à l’ombre d’une vie,

Faire naître un empire, un fils, un univers

Et laisser tout cela lorsque tombe l’envie ?

 

Chimère de se croire affranchi du revers,

Implacable tracé de notre destinée :

La mort, la mort s’annonce au chant fort de mes vers...

 

À genoux, écoutez, magnifiez mes actions :

Demain n’existe pas, hier est un mensonge,

Vivons dès aujourd’hui le temps de nos passions !

 

Relevez-vous, de grâce, ou la peur qui vous ronge

Aura tôt fait, hélas, de détruire à jamais

L’espérance en vos cœurs, un doux rêve ou un songe...

 

Vous préfériez maudire alors que moi, j’aimais !

 

 

 

Créations artistiques de Franck PASQUALINI,

réalisées dans l’idée de la peinture Le Cri (Skrik) de Edvard MUNCH

pour illustrer le poème Vivre jour après jour,

extrait du recueil Solitude étrangère,

écrit par Yves Philippe de FRANCQUEVILLE.

 

À quoi bon ?

« Ne votez pas, car voter c’est se soumettre, c’est désigner soi-même son maître ; c’est dire : je suis une bête incapable de me conduire »… Voici les propos lapidaires mais tellement réalistes du Léopard du Panthéon, en 1887. L’auteur de cette affirmation était soucieux d’inviter le peuple à prendre en considération que se soumettre à un roi, à un empereur ou même à un président… c’est finalement encore et toujours se considérer comme le minable mouton au milieu du troupeau et se plaire à être parmi les assistés et les esclaves dociles, ces prisonniers! de leur propre impuissance à penser et agir par eux-mêmes…

 

Allez voter — votez bien — puisque la société se targue de vous dire qu'elle est démocratique ! Mais surtout, votez pour vous-même, car seule votre voix mérite d'être écoutée!

Beaucoup sont finalement toujours en quête de fruits… sur l’arbre de l’autre…

Pierre GRIPARI dans son roman post-historique (écrit dans environ 16.000 ans) : la vie, la mort et la résurrection de Socrate-Marie Gripotard, nous dévoile tout d’abord à travers un texte fort bien écrit le ridicule de l’historien d’un jour et de toujours. Il se moque avec art des experts en tous genres, spécialistes de telle ou telle époque… il fustige le journalisme de masse, et leurs esclaves, troupeaux de petits écrivailleurs, attachés et traînés en laisses par les pouvoirs politiques et religieux : ces autres pseudo philosophes passionnés de romanquêtesou autres histoires vraies, puisqu’ils les ont inventées… et que — surtout — les témoins oculaires sont bien morts, mis au silence ou simplement grassement achetés ! (Merci Boris VIAN pour cette phrase explicative présentant l’Écume des jours « Cette histoire est entièrement vraie, puisque je l'ai imaginée d'un bout à l'autre »). Ce roman du futur écrit par Pierre GRIPARI dévoile aussi la fin probable des hommes… si nous sommes tentés de devenir autre que ce que nous sommes !

Si le Conseil Constitutionnel avait validé le texte promotionné pour la gloire de la République, par Madame le député Valérie BOYER, sur — nous pourrions dire — le délit de « discuter d’un génocide ou autre fratricide au nom d’un père », ce livre du futur aurait peut-être été condamné !

Deviens ce que tu es, célèbre propos attribué à PINDARE par Friedrich NIETZSCHE ne veut pas dire selon quelques assurances freudiennes, qu’il est juste et bon de tuer le père !!! Il n’invite pas nécessairement non plus à la recherche du surhomme, figure emblématique d’un nouveau dieu… mais proposerait plutôt une introspection par l’écoute et la rencontre afin d'aider chacun à s'harmoniser, corps, cœur, esprit, et à révéler l’ensemble des pièces du puzzle qui nous constitue depuis la nuit des temps…

C’est bien l’analyse de l’amour humain qui se dévoile dans cette citation !

La philanalyse encore s’annonce !

Nous avons — lors de notre conception — deux demi-mondes s’associant pour créer un nouveau monde. Comme l’a expliqué SOCRATE, l’être qui naît a donc tout à apprendre du passé à demi transmis des générations précédentes. Le « connais-toi toi-même » est une des premières clefs pour ouvrir chez l’humain sa capacité créatrice originale. Il peut cependant laisser cet espace de vie aux générations suivantes.

Et ainsi commence le déclin de Zarathoustra

Also sprach ZarathustraAinsi parla Zarathoustra : « Des compagnons, voilà ce que cherche le créateur et non des cadavres, des troupeaux ou des croyants. Des créateurs comme lui, voilà ce que cherche le créateur, de ceux qui inscrivent des valeurs nouvelles sur des tables nouvelles. » La recherche du surhomme, la recherche d’un autre dieu… Cher Friedrich NIETZSCHE, qui cherchait peut-être juste des amis, des amours… qui lui ressemblent !

Oui, comme, Jésus Le NAZARÉEN, comme SIDDHARTHA, le Bouddha : ils étaient des êtres éveillés, attentifs à rencontrer des amis, à partager avec d’autres semblables quelques connaissances et un désir d’évoluer… l’amour, l’amour humain.

Ô mon âme, n’aspire pas à la vie immortelle, mais épuise le champ du possible ! Appuyons notre réflexion sur cette autre citation certainement plus facilement attribuable à PINDARE où il nous est proposé simplement d’apprendre, d’aller là où notre esprit nous invite… et reprendre encore et toujours la route afin d’espérer croiser l’HOMME.

Jonathan Livingston, dans sa quête — ridicule, impossible, insensée aux yeux de ses parents et autres membres de son clan de misère — a réussi : donner sens à sa vie. C’est grâce à sa volonté, son audace, son courage et sa soif d’apprendre que Richard BACH est un homme… il s’est levé, il a pris lui aussi son envol !

Ce précieux petit livre Jonathan Livingston le Goéland — est un témoignage de la rencontre réussie de l’homme avec lui-même.

 

C’est pensé, c’est fait ?

Non. Voyons l’illusion chez ceux qui ont mis le corps de côté : je pense, donc c’est fait !

Ce drame stupide et destructeur, nous l’avons hérité de René DESCARTE pour qui penser c’est être. « Je pense donc je suis ». Penser ne permet pas nécessairement d’être et ne suffit pas totalement à être. Pour cela — pour espérer être — il faut qu’il y ait acte : création. L’homme, en se posant, devient créateur. C’est la part divine de son moi qui s’exprime. L’homme est alors son propre dieu, c’est-à-dire celui qui est par lui-même sans avoir besoin d’appeler, de supplier ou de se référer à un père… car il fait jaillir du néant une réalité ! (Cf. Jean Paul SARTRE , La Nausée. Le roman que j’ai dans ma tête, existe-t-il même s’il n’est pas encore posé sur le papier ? C’est en opposition avec le miracle secret de Jorge Luis BORGES où tout saurait exister, même avant le jaillissement. Friedrich Wilhelm von SCHELLING aurait certainement apprécié l’idée). Mais peut-être finalement ne suis-je que rêvé, comme Alice, dans le sommeil agité du Valet de Cœur… être d’imagination de ce jeune serviteur, éperdument amoureux de la fille de sa méchante patronne… cette odieuse dame sans cœur devenue Dame de cœur dans son pays des merveilles, qui exige la sanction expéditive pour tous ceux qui s’opposent à elle :  "qu’on lui coupe la tête"… Ou plus terrible encore — car ne pas exister semble plus cruel que d’être mis à mort — encore chez Jorge Luis BORGES, dans l’insupportable absurde de sa nouvelle extraite du recueil Fictions : dans les ruines circulaires, l’être sombre au plus profond de l’abîme du labyrinthe, illusion de sa vie !

 

Se croire exister…

C’est le drame de l’immédiateté : un véritable syndrome. L’humain a de moins en moins la capacité de gérer le temps qu’il a inventé comme moyen de communiquer. Impossible de se retrouver, le voici qui se perd. Le temps devient aujourd’hui son pire ennemi. L’acte de penser implique aussi la gestion du mouvement, c’est à dire prendre conscience que la plupart des espèces ne sont pas capables — encore à ce jour — de se téléporter. Mon rendez-vous de 9h00 impliquerait que je sois prêt à 9h00. Mais si je n’ai pas la capacité de gérer le temps qu’il me faut, de l’endroit où je suis pour arriver au lieu où je souhaite me rendre, je dois gérer mon déplacement en prenant en compte un autre espace-temps.

Un enfant n’est pas nécessairement en retard, il a juste omis le fait qu’être prêt n’est pas forcément être là. Penser que je suis en un espace défini peut impliquer que j’y suis effectivement, à condition de parfaitement gérer l’espace et le temps. « Je pense y être, j’y suis ».

Non !

Pas toujours, à ce qu’il paraît ?

L’homme peut y arriver s’il parvient à unir le temps avec l’espace, à vingt décimales prêt. C’est-à-dire à être là, entre la pensée et l’acte, à 99,999999999999999999999/100 (vingt décimales près). Cf. encore Alfred Elton Van VOGT, dans Le monde des Ā.

Yeph et ses amis sont aussi fort habiles — comme Gilbert GOSSEYN — dans l’art d’utiliser la téléportation (Cf. Le cycle de L’Austrel, théâtre d’anticipation traduit de l’américain par Yves Philippe de FRANCQUEVILLE, où se dévoile le concept de la philanalyse).

Selon Albert EINSTEIN , la lumière est constituée d’une suite d’ondes mais  aussi d’un ensemble de particules constituées de photons… le photon, qui n’aurait pas de masse . Pour tenter de faire vivre une théorie un peu bancale, on lui donne tout de même — pour effectuer certains calculs — une masse quasi-nulle mais qui existe… et qui serait de 1,46x10-49 Kg. Selon Roger COUDERT.

 

Cette idée dépasse donc le principe de la sémantique générale présentée par le comte Alfred Abdank KORZYBSKI  : Nous sommes ici à compter à 49 décimales près.

Décidé donc à dépasser la vitesse de la lumière ?

Si techniquement tout pouvait fonctionner, la sagesse de l’homme ne serait pas suffisante pour utiliser le progrès sans se mettre en danger : en deux ou trois générations, la plupart des humains perdrait l’usage de ses jambes… C’est une situation explicitement évoquée dans WALL-E, film d’animation réussi des studios Pixar, à voir ou à revoir !

La théorie d’Albert EINSTEIN est maintenant proche de la retraite, comme l’a annoncé Anatole France dans les années 1920…

Le talentueux et respectueux Nicolas SÉGUR, ayant recueilli les dernières conversations avec Anatole FRANCE, nous en offre quelques pages grandioses dont voici un court extrait qu’il est plaisant de voir enfin apparaître sur l’Internet :

 

(…)

—   Alors, vous acceptez la théorie d’Albert EINSTEIN ?

—   Mais absolument. J’y adhère, d’abord, par mon incompétence. L’incompétence est, vous l’avez remarqué, une propriété crochue. Son mérite est de pouvoir s’attacher à tout. Et puis la théorie d’Albert EINSTEIN est vraie, absolument vraie. Nous en avons les preuves.

—   Quelles preuves ?

—   Mais qu’elle explique tous les faits qui débordaient sa vieille mère, je veux dire la théorie newtonienne. Il y avait, paraît-il depuis bientôt cinquante ans, des phénomènes scientifiques qui ne concordaient pas avec notre conception de l’univers. Cela gênait, cela faisait honte aux physiciens qui sont des gens pudiques. La création s’était mise à avoir des caprices, des vapeurs. L’éther qu’on avait créé à grande peine, ne suffisait plus à toute la besogne qui lui était échue. L’électro-magnétisme, tout jeune encore, se conduisait comme un galopin et en faisait à sa tête. Enfin, notre physique agonisait, commençait à sentir le cadavre. On prévoyait, on avait besoin d’Albert EINSTEIN. Et le Messie est venu.

—   Évidemment, sa théorie explique tout.

—   En plus, elle est prouvée par des faits. Les astronomes l’ont vérifiée, le microscope aussi.

—   Alors, vous la croyez vraie ?

—   Oh ! Je la crois vraie au moins pour cent ans.

—   Comment, pour cent ans ?

Anatole FRANCE me regarda, comme ébahi de ma demande. Puis, d’un air un peu vexé :

—   Mettons quatre-vingt si cent vous paraissent trop.

Et comme je restais un peu interdit :

—   C’est la durée moyenne d’une vérité scientifique : deux, trois générations. Quant aux vérités historiques, elles sont des créatures d’une constitution bien plus fragiles. Le moindre souffle de vent nouveau les emporte.

—   Mais si les vérités meurent, ce ne sont pas des vérités, mais des mensonges, car, en somme, qu’est-ce que la vérité ?…

 

« D’abord mon ami, je crois que s’il s’agissait de la Vérité absolue, nous pourrions en dire ce que ce diable de VOLTAIRE faisait dire à SPINOZA, s’adressant à Dieu :

“Je crois, entre nous, que vous n’existez pas.”

« Mais les vérités dont nous parlons sont des vérités tout à fait relatives, einsteiniennes, précisément. Le temps, le lieu, tout peut les changer. Résultat des connaissances humaines, elles subissent nos métamorphoses. Dans le domaine scientifique et historique, une vérité, cela veut dire une explication que, pour le moment, rien ne peut contredire. Lorsque notre explication d’un fait reçoit le consentement de tous parce qu’elle paraît concorder avec l’ensemble des notions connues, nous l’appelons vraie.

« Mais comment cette vérité pourrait-elle être stable, puisque chaque jour nous découvrons des faits nouveaux ? Notre explication ancienne qui embrassait les faits d’hier ne suffit plus pour embrasser les faits d’aujourd’hui.

« Alors, nous remplaçons ou nous rapiéçons sans cesse nos vérités. On dit que le corps humain se renouvelle tous les sept ans[1]. Le plus grand nombre des vérités humaines se renouvellent tous les siècles à peu près, excepté quelques-unes, très rares, qui peuvent durer un millénaire.

(…)

—   Alors, il n’y a pas de Vérité absolue ?

—   Non, mais il y a des vérités qui vivent et meurent comme nous. Définissons la vérité, si vous voulez, en disant qu'elle est la conclusion de tout ce que nous connaissons aujourd'hui: le résultat algébrique de nos notions sur le monde au moment où nous sommes. Lorsque d'autres observations, d'autres faits, d'autres idées viendront s'y joindre, notre addition ne sera plus exacte, notre vérité ne sera plus la Vérité.

— Mais alors, la Vérité?

— Alors, alors, mon ami, la Vérité se passe dans notre petit cerveau. Ne la projetez pas hors de son misérable milieu. Elle en serait effrayée.

(…)

[1] En fait, ce serait bien tous les 7 ans comme le rapporte dans l’histoire des animaux, ARISTOTE, de ses découvertes puisées notamment dans les travaux toujours d’actualité d’HIPOCRATE, pour… les hommes, et plus précisément tous les 5 ans 1/3 pour les femmes… selon les premiers résultats des recherches actuelles sur la philanalyse, par Yves Philippe de FRANCQUEVILLE.

 

 

Pour éviter de tomber dans les pièges de tous ces tyrans à la recherche de LA race supérieure, ces petits ogres se nourrissant de chair humaine pour assouvir un rêve auquel ils n’appartiennent pas… il faut éviter de chercher une base divine ou supérieure à nos origines et préférer nous tourner vers l’« à venir » en le préparant aujourd’hui !

Pas un « à venir » d’illusions futures autour de paradis « perdus », ou d’incarnations nouvelles plus honorables… pas de fictions post-mortem qui rendraient davantage le peuple de mouton docile avant de partir à l’abattoir…

Soixante-dix vierges pour se faire exploser au nom du Tout-Puissant, sur la place du marché… ou tuer, en mourant pour les Révolutions Populaires si chères à André MALRAUX dans sa Condition Humaine (gros pavé d’écriture lu en entier par l’auteur de cet article, ce qui est rarement le cas des adorateurs du mythe du grand André MALRAUX), où Tchen par exemple se donne la mort en héros — petite bombe humaine — mais il aurait pu aussi être un doux martyr embrasé vif dans la chaudière d’une locomotive.

Et tout cela pour combien de cadavres à inscrire sur la longue liste de ces héros d’un instant ou ces traîtres assassins… selon le parti pris choisi ?

L’Espoir d’André MALRAUX est aussi insupportable de certitudes et de vérités, mais cet auteur, grand expert, spécialiste de l’art de son temps et amateur d'œuvres à récupérer chez l’occupé… est probablement plus fin politique engagé, qu’écrivain historien…

Oui, il faut nécessairement avoir du « sale mec » en soi pour oser faire de la politique !

André MALRAUX reprendra peut-être sa place de « mauvais grand écrivain », une fois que les derniers grand prêtres adorateurs de Charles De GAULLE, ce président général en uniforme, comme ses homologues des nations coréenne, argentine, chinoise ou cubaine…, auront quitté enfin la scène politique !

Il a bien sa place au Panthéon, entouré de tueurs de peuples, mais quelle tristesse de ne pas le savoir Immortel : Académicien… avec pour nobles successeurs Valéry GISCARD d’ESTAING et bientôt Patrick POIVRE d’ARVOR !

Devenir soi-même…

Chaque être a en lui le potentiel I.H.N. Cette base qui donne naissance aux principes de hors normalités d’un individu… développés ou non un jour, ou dans quelques générations à venir. C’est bien l’histoire de Gilbert GOSSEYN et la Machine des Jeux, dans le premier volume du Monde des Ā de Alfred Elton Van VOGT.

 

À la différence de l’Individu Hors Normalités — le IHN — qui se place à côté de l’humain, le surhomme — lui, s’il existait — serait voué à créer une autre espèce… et annoncerait la fin de l’homme. Le IHN est simplement homme, ou enfin homme, en devenir. Il a juste commencé à se libérer des peurs de ses peurs. Il s’est hissé avec courage hors de cet espace carcéral de hontes, de complexes et de tabous destructeurs pour se mouvoir en douceur avec des règles du jeu constructrices.

Comme pour les dinosaures, une race qui a atteint le maximum de son évolution physique s’éteint naturellement. Un arbre que l’on pense vivant pour toujours, puisque dépassant dans le temps les générations humaines, finit simplement par mourir. Une plante qui a produit suffisamment de graines assurant sa succession cédera aussi sa place. Un jour l’homme sera peut-être remplacé par d’autres espèces comme l’ont été les dinosaures. Friedrich NIETZSCHE, en ne saisissant pas le potentiel affectif et intellectuel de l’homme, a donc condamné l’espèce humaine à disparaître !

L’individu hors normalités est juste un être qui se différencie des soushommes (ou pour oser un propos optimiste : des êtres au potentiel de devenir hommes ou femmes) par un usage autre (différent) de leurs mécanismes intellectuels, psychologiques, physiques ou affectifs.

 

La fin n’existerait pas puisque c’est semble-t-il simplement l’idée de la mort. Les fins que l’homme se donne, sont des non-morts… peut-être pour combattre son idée d'être mortel ?

Dire « je suis mort » ?

Dire « il est mort » ?

Deux propos qui n’ont finalement pas de sens.

Pour qu’il y ait une fin à comprendre et à affirmer, il serait intéressant d’en connaître l’origine ?

Dieu est mort ?

Ah oui ?

Mais ce dieu a-t-il vécu ?

Au Commencement… Dieu créa les cieux et la terre… Genèse 1.1.

Ce dieu, qui est-il et d’où vient-il ?

Et où est-il ?

Est-il juste une réincarnation ou la mémoire de CTHULHU, dieu fantastique dont l’histoire et le mythe sont rapportés par Howard Phillips LOVECRAFT ?

 

L’homme semble être toujours à la poursuite de son immortalité. Le mot « fin » est tellement angoissant qu’il est le triste jeu aux règles trichées, voire truquées, accompagnant l’homme tout au long de sa sousvie.

Attendre et considérer la mort, c’est peut-être commencer à vivre. L’ignorer ou la repousser, c’est se mettre en perpétuel état de survie. La phrase de Michel de MONTAIGNE, « philosopher, c’est apprendre à mourir » nous rappelle la prise de conscience de PLATON à travers SOCRATE. Prendre considération de sa mortalité serait le premier pas vers une existence sans peur de la  peur de la mort.

De passage sur cette Terre, sans prise de conscience réussie pour comprendre d’où nous venons et où nous allons, le nihilisme peut être un début et une fin en soi : l’absurde.

 

Alors pourquoi ne pas devenir homme ou femme ?

C’est accepter simplement d’entrer dans l’idée d’ARISTOTE selon laquelle nous serions juste des animaux politiques, qui se meuvent dans la rencontre humaniste !

De cet instant d’illusion qu’est notre existence — ce rêve matérialisé par notre histoire — il y a la possibilité d’une rencontre : l’autre !

L’autre, un être semblable à découvrir, à aimer, à aider, dans le plaisir du partage.

Dans la découverte de l’autre, la communication n’est pas cependant dans l’acte de donner de soi-même. Il faut juste briller. Il y a danger de se perdre à vouloir user de soi-même.

Cependant, comme la bougie qui éclaire, comme le feu qui brûle, tout acte de se poser, et chaque instant d’écoute et de fusion — de communion — nous enrichit et aussi : nous consume… La phrase de Merlin l’Enchanteur dans La Légende du feu : « On ne fait rien sur terre qu’en se consumant » peut être vécue comme une douloureuse réalité. Il est encore plus désagréable peut-être de constater que celui qui ne fait rien est aussi condamné à disparaître. A-t-il été seulement ? Tout ne durerait qu’un temps ? Les réserves savent aussi s’épuiser ou se déprécier si elles sont stockées trop longtemps. Antoine Laurent de LAVOISIER rappelait la théorie d’ANAXAGORE affirmant que « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », mais nous pourrions dire finalement que « tout se perd, tout est décret, tout se déforme » avec le temps qui nous dépasse.

Devenir homme, c’est vaincre la solitude de son propre mystère afin de s’offrir à la rencontre humaine… Aimer dans notre totalité comme énergie libérée à travers un corps, en usant de l’affect —le cœur — comme liant passionnel de l’esprit !

Devenir homme, c’est être en quête de l’amour humain : saisir enfin l’harmonie formidable de notre être ternaire, comme PLATON nous l’écrivait dans la Cité. Un corps, un esprit… mais aussi un cœur, cet espace de guerre… ou d’amour lorsqu’il est bien géré. PLATON est révélateur de la philanalyse.

Avoir un corps, est un support formidable pour permettre la rencontre et la fusion. C’est une chance à savourer que les anges nous envient (notamment selon les propos d’Anatole FRANCE, dans son roman fameux : La révolte des anges). L’individu hors normalités serait donc un être libéré du système dualiste ou binaire dit « aristotélicien » — peut-être à tort, par le comte Alfred Abdank KORZYBSKI, dans sa présentation de la sémantique générale — pour s’élever vers un principe « non-aristotélicien », en gardant donc ce nom créé par les copistes et traducteurs à la solde des puissants politiques et religieux.

Puisque nous osons tenter de revenir à la source aristotélicienne, libérons aussi ce philosophe de ces carcans sordides certainement bâtis après sa mort pour construire les religions augustiniennes. Donc, pour élever davantage notre sujet : l’IHN s’ouvrirait plutôt à une certaine « pluripossiblilité », l’extrayant du peuple de moutons…

Il n’y a pas de volonté de domination ou de toute puissance chez l’être qui a soif d’apprendre et qui est passionné par le désir de partager les connaissances…

C’est bien la différence entre le dominus et le magister…

Mais l’ennui et la solitude, la jalousie et la peur, sont de dangereux prédateurs capables de transformer un être au potentiel IHN en un tyran…

Pour le Docteur FAUST, faire un pacte avec un ange déchu, chassé par un dieu vengeur donnerait assurément une place d’être supérieur… presque égal à son dieu !

Il est plaisant de faire partager ce texte magnifique et dramatique de Johann Wolfgang von GOETHE : Faust, puisé sur le site MAGISTER :

 

(…)

FAUST (seul) : —  Philosophie, hélas ! Jurisprudence, médecine, et toi aussi, triste théologie !... Je vous ai donc étudiées à fond avec ardeur et patience : et maintenant me voici là, pauvre fou, tout aussi sage que devant. Je m'intitule, il est vrai, maître, docteur, et, depuis dix ans, je promène çà et là mes élèves par le nez — et je vois bien que nous ne pouvons rien connaître !... Voilà ce qui me brûle le sang ! J'en sais plus, il est vrai, que tout ce qu'il y a de sots, de docteurs, de maîtres, d'écrivains et de moines au monde ! Ni scrupule ni doute ne me tourmentent plus ! Je ne crains rien du diable, ni de l'enfer ; mais aussi toute joie m'est enlevée. Je ne crois pas savoir rien de bon en effet, ni pouvoir rien enseigner aux hommes pour les améliorer et les convertir. Aussi n'ai-je ni bien, ni argent, ni honneur, ni domination dans le monde : un chien ne voudrait pas de la vie à ce prix ! Il ne me reste désormais qu'à me jeter dans la magie. Oh ! Si la force de l'esprit et de la parole me dévoilait les secrets que j'ignore, et si je n'étais plus obligé de dire péniblement ce que je ne sais pas ; si enfin je pouvais connaître tout ce que le monde cache en lui-même, et, sans m'attacher davantage à des mots inutiles, voir ce que la nature contient de secrète énergie et de semences éternelles ! Astre à la lumière argentée, lune silencieuse, daigne pour la dernière fois jeter un regard sur ma peine !... J'ai si souvent, la nuit, veillé près de ce pupitre ! C'est alors que tu m'apparaissais sur un amas de livres et de papiers, mélancolique amie ! Ah ! Que ne puis-je, à ta douce clarté, gravir les hautes montagnes, errer dans les cavernes avec les esprits, danser sur le gazon pâle des prairies, oublier toutes les misères de la science, et me baigner rajeuni dans la fraîcheur de ta rosée !
 Hélas ! Et je languis encore dans mon cachot ! Misérable trou de muraille, où la douce lumière du ciel ne peut pénétrer qu'avec peine à travers ces vitrages peints, à travers cet amas de livres poudreux et vermoulus, et de papiers entassés jusqu'à la voûte. Je n'aperçois autour de moi que verres, boîtes, instruments, meubles pourris, héritage de mes ancêtres... Et c'est là ton monde, et cela s'appelle un monde !
 Et tu demandes encore pourquoi ton cœur se serre dans ta poitrine avec inquiétude, pourquoi une douleur secrète entrave en toi tous les mouvements de la vie ! Tu le demandes !... Et au lieu de la nature vivante dans laquelle Dieu t'a créé, tu n'es environné que de fumée et de moisissure, dépouilles d'animaux et ossements de morts !
 Délivre-toi ! Lance-toi dans l'espace ! Ce livre mystérieux, tout écrit de la main de Nostradamus, ne suffit-il pas pour te conduire ? Tu pourras connaître alors le cours des astres ; alors, si la nature daigne t'instruire, l'énergie de l'âme te sera communiquée comme un esprit à un autre esprit. C'est en vain que, par un sens aride, tu voudrais ici t'expliquer les signes divins... Esprits qui nagez près de moi, répondez-moi, si vous m'entendez ! (Il frappe le livre, et considère le signe du macrocosme.) Ah ! quelle extase à cette vue s'empare de tout mon être ! Je crois sentir une vie nouvelle, sainte et bouillante, circuler dans mes nerfs et dans mes veines.

(…) (
Superbe traduction de Gérard de NERVAL).

Un IHN est naturellement différent de tout autre IHN. Mais il est en mesure de rencontrer l’autre… et de communiquer avec lui.

On ne peut pas classer alors des gens inclassables… uniques. Qu’ils arrêtent donc, ces maîtres d’un instant, de placer tout et tous en petites boîtes dans une société de fourmilières ou de termitières.

Le docteur KEYNES a collectionné plus de deux millions de mouches drosophiles: toutes étaient différentes. Les hommes et les femmes aussi sont tous différents les uns des autres, mais les Individus Hors Normalités le sont un peu plus que l’ensemble de cette masse qui aime suivre le troupeau. Quel intérêt peut-on trouver à épingler des êtres, qui, par nature rejettent les boîtes ?

 

Chanson géniale  « Petites boîtes » écrite et interprétée par Graeme ALLWRIGHT.

Elle apparaît sur l'album Joue, joue, joue en 1966.



(Les paroles de la chanson sont extraites de Wikia, WikiParoles).

 

Petites boîtes


Petites belles très étroites

Petites boîtes faites en ticky-tacky

Petites boîtes, petites boîtes

Petites boîtes toutes pareilles

Y a des rouges, des violettes

Et des vertes très coquettes

Elles sont toutes faites en ticky-tacky

Elles sont toutes, toutes pareilles

 

Et ces gens-là dans leurs boîtes

Vont tous à l'université

On les met tous dans des boîtes

Petites boîtes toutes pareilles

Y a des médecins, des dentistes

Des hommes d'affaires et des avocats

Ils sont tous, tous faits de ticky-tacky

Ils sont tous, tous, tous pareils

 

Et ils boivent sec des martinis

Jouent au golf toute l'après-midi

Puis ils font des jolis enfants

Qui vont tous tous à l'école

Ces enfants partent en vacances

Puis s'en vont à l'université

On les met tous dans des boîtes

Et ils sortent tous pareils

 

Les garçons font du commerce

Et deviennent pères de famille

Ils bâtissent des nouvelles boîtes

Petites boîtes toutes pareilles

Puis ils règlent toutes leurs affaires

Et s'en vont dans des cimetières

Dans des boîtes faites en ticky-tacky

Qui sont toutes, toutes pareilles.

 

 

La maîtrise du peuple ! Voilà ce qui est primordial. Et si parmi le peuple, il y a quelques IHN… qui se trouvent parfois s’avérer « précoces » ou « fortement doués » (le terme de « surdoué » est définitivement à bannir, car le trop dans un domaine entraîne des carences dans d’autres, et l’être se trouve davantage fragile) dans telle ou telle spécificité, l’art des puissants c’est de les récupérer au plus vite… de leur couper les ailes et de les parquer ! Il faut donc surtout éviter que quelques humains s’éveillent et prennent conscience de leur sort et s’envolent hors de ce monde où se fomente régulièrement des lois au service de cet ordre mondial où quelques obsédés de pouvoir aspirent à trouver une place… même si ce n’est qu’un strapontin !

C’est une suite d’actes extrêmement violents et destructeurs, mais  la production mondiale est à ce prix… Oui, François Marie de VOLTAIRE déjà nous le rappelait dans Candide, par la bouche du nègre de Surinam : c’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe !

 


 Gravure de Pierre Charles BAQUOY, d'après un dessin de Jean-Michel MOREAU le Jeune

in VOLTAIRE (François Marie AROUET),

Candide ou l'Optimisme, chapitre 19.

Œuvres complètes - Imprimerie de la société littéraire typographique, 1785.

© Bibliothèque de l'Assemblée nationale… pour le grand plaisir des députés…

 

L’homme évolué n’est pas un surhomme… il est homme ! Le surhomme est certainement une illusion pour gens frustrés, ou une théorie de plus, proposée pour tenter de dominer un peuple par la crainte…

Quand un homme prend conscience de son humanité, qu’il devient, alors le monde entier peut représenter un danger potentiel. Sa vie se trouve mise en péril en raison des peurs ou des jalousies.

Il n’y a pas alors d’espace sécurisé… pas même une planète sûre, nous rappelait encore Alfred Elton van VOGT, dans la Fin du Ā !

La réelle sécurité est dans l’espérance, dans l’espoir libéré des certitudes. C’est donc dans la « Potentialité » « la possibilité d’une Porte ».

Michel HOUELLEBECQ, avec son livre : La Possibilité d’une île, nous offre une grosse et lourde ratatouille d’idées, de découvertes ou de reprises d’écrivains talentueux dont nous avons, dans cet article, proposé quelques panégyriques. Ces auteurs savaient, en moins de 300 pages (parfois certains en juste une ou deux dizaines), nous édifier ou nous inviter à la question… sur le futur, l’homme différent, la liberté ou la légèreté, l’absurde de la vie… Là, chez Michel HOUELLEBECQ, il est difficile de profiter de tous ces goûts mélangés et réchauffés dans une sauce épaisse. Il y a tant de recyclage dans son livre que nous avons l’impression d’avoir fait les poubelles et récupéré les épluchures de nos bibliothèques. S’il semble naturel que pour écrire un poème original il soit nécessaire d’en avoir lu quelques milliers, la rencontre honnête avec le livre et l’humain nous permet de réaliser une œuvre qui sera nôtre. Hélas, Michel HOUELLEBECQ a certainement visité aussi à travers quelques résumés Aldous HUXLEY, Herbert George WELLS, René BARJAVEL et d’autres écrivains talentueux comme certainement William Seward BURROUGHS qui ne furent pas cités cette fois. Oui, de ses lectures peut-être en diagonale, il n’est sorti hélas "rien de nouveau sous le soleil" aurait pu dire encore et toujours QOHELET dans l’Ecclésiaste. Cependant, de La possibilité d’une île, nous garderons le titre splendide pour conclure cette quête de l’homme !

 

Et que cet article soit donc — à la différence des écrits de certitudes — un espace agréable et constructif de questions utiles, ouvertes à la poursuite de recherches nouvelles.

 

Oui, merci Michel HOUELLEBECQ : splendide idée que la possibilité d’une île !

C’est dans l’immensité que notre liberté se construit… Cependant, comment trouver dans cet océan de visages et de paysages, à travers le tumulte et les tempêtes mêlant le désir d’apprendre avec l’angoisse de ne pas comprendre, comment oser savoir s’arrêter un instant. Savoir se poser, se reposer — en toute sécurité — pour enfin repartir. Les hommes entreprenants sont tous des pirates : des êtres audacieux et volontaires, entreprenants, en regard de l’étymologie du mot. Alors, les voici sur de frêles esquifs dans des mers agitées, assoiffés de connaissances, à la recherche de trésors. La rencontre humaine se provoque parfois à travers des échanges de coups de canons, avant des partages merveilleux d’idées et d’amour… pour repartir encore et toujours à l’aventure.

Enfin une île, et repartirLa possibilité d’une île, c’est savoir qu’il y a des espaces précieux où nous pouvons souffler un peu. C’est très bien expliqué dans le principe des T.A.Z., ces Z.A.T., (en français), ZAT, une Zone AutonomeTemporaire, selon Hakim BEY : Ici, c'est une île où nous pouvons puiser, pour un espace-temps précis, la force nécessaire pour repartir, car elle disparaît avec notre départ !

L’homme en quête de devenir ne doit pas oublier qu’il est seul.

Tout seul.

Le merveilleux alors est de croiser dans cette épopée de l’absurde d’autres êtres seuls, et de partager quelques instants lumineux en leur compagnie !

Dans la possibilité d’une porte, c’est accueillir comme le rappelle Anatole FRANCE le fait qu’une vérité reste temporelle, comme l’humain vivant, croisé sur l’océan, à travers l’espace…. C’est un instant de souffle, une respiration pour reprendre notre chemin de la connaissance.

Instant de plaisir, instant d’amour…

L’homme existe, je l’ai rencontré !

 

 

 

Merci aussi à André GIDE pour ses Nourritures terrestres et ses Nouvelles nourritures terrestres… bien utiles pour prendre quelques forces avant de repartir en mer…

 

 

REGARD D'AMOUR

 

 

I

 

De visage en paysage,

L’on m'invite à ce voyage,

 

La liberté pour tout chemin

Vers l’océan le plus lointain.

 

La nature,

Ses créatures,

C'est mon histoire :

Une aventure

 

Où, de tout cœur, j'ose rêver…

De tout mon corps, je puis aimer.

 

Nuits après jours sur cette terre,

J’ouvre les yeux à la lumière ;

 

Trop souvent seul, un peu songeur

De quelques vers, un air moqueur…

Soudain je nais, souvent je meurs.

 

Point de regrets pour cette vie,

Elle est ainsi : je l'ai choisie.

 

 

II

 

 

Un soir, je me suis arrêté

Devant la fleur de mon été.

 

Elle était là, belle et amante,

À peine éclose et si savante

 

Que je me voyais endormi

Au cœur d’un monde où l’on dit : “ oui ” !

 

Espérant que cela ne cesse

Ne pensant plus à la promesse,

 

Un printemps changeait l’annoncée :

L'ancre venait d'être jetée.

 

Je ne savais croire à l'honneur

De tant d'amour et fus songeur…

Mais un parfum chassa mes peurs :

 

Elle a pris sa forme de vie,

Elle a jailli : je l'ai saisie.

 

 

III

 

 

Rien qu'un regard, rien qu'un sourire,

Enfin une île et je respire.

 

L'esprit comblé de sa présence,

Assuré de sa confiance

 

Sans peur de la voir me trahir

Ou se faner pour un soupir ;

 

Ces doux espoirs portent mes pas :

J’oublie alors tous mes tracas.

 

Elle a compris que je l'aimais

Puisqu’elle est en moi désormais.

 

Alors son cœur contre mon cœur

S'unissent ainsi force et chaleur,

Pour n'être que mêmes bonheurs.

 

Ne suis-je plus seul en ma vie ?

Cherchez la muse : mon amie…

 

 

Pour un instant, se souvenir ?

Enfin une île et repartir…

 

 

 

 

© Yves Philippe de FRANCQUEVILLE.

 

 

 

 


 Auteur : Yves Philippe de Francqueville


 





05/03/2012
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